On ne devient pas monoparentale que par séparation…. aussi par veuvage….

Lorsque je me suis mariée tardivement, je m’étais dit que j’avais enfin trouvé « mon »  homme. Très rapidement nous sommes devenus parents de deux filles.

Mais voilà, même dans notre couple où nous avions tout pour être heureux (situation financière très confortable, propriétaire d’un appartement, deux bébés en bonne santé, etc), il nous est arrivé LA tuile. Celle qu’on ne voit pas venir, celle qui détruit tout. La maladie. Le cancer de l’âme comme dirait ma belle-mère, ou plus précisément la dépression.

Quand je repense à cette période, pas si lointaine que ça, je me demande comment je suis arrivée à gérer 1 fille de 18 mois, 1 bébé qui venait de naître et un mari malade. Je dormais 4 heures par nuit et ne pouvais plus du tout compter sur lui car même si mon mari était un homme gentil, serviable, attentionné, lorsqu’il a eu cette maladie, c’était un autre homme. Un peu le Dr Jekyll et Mr Hyde. En outre, pour couronner le tout, la cadette, qui devait sentir le malaise de son papa, pleurait à chaque fois qu’il la portait ou s’occupait d’elle quand il voulait m’aider pendant la nuit pour que je dorme un peu plus…

Bref, pendant une année, ce fut la descente aux enfers. Entre les différents séjours à l’hôpital psychiatrique de mon mari, s’occuper de deux bébés et après avoir retrouvé un travail, assumer ce job, je ne savais pas si j’allais pouvoir tenir longtemps à ce rythme-là. Mes amies m’ont même conseillé de prendre un appartement et m’éloigner de lui car il n’y avait plus rien entre nous. Je me raccrochais à l’idée que mon amour allait l’aider à guérir. Cependant, J’étais seule, terriblement seule, le soir. Malgré que nous soyons 4 sous le même toit, je n’avais plus personne à qui parler. La discussion avec lui était quasi nulle et les idées qu’il avait devenaient insupportables à gérer. Heureusement que je n’ai pas suivi leur conseil. Je ne voulais pas quitter un mari dépressif tant qu’il était malade. Je n’aurais jamais pu supporter le regard ni les accusations de mes filles ou de tout autre personne si le pire devait arriver ou tout simplement vivre en me sentant responsable des conséquences d’une séparation.

Ce qui devait arriver, arriva. Il se suicida, mais je ne donnerai pas plus de détail. Sur le moment, lorsque j’ai appris la nouvelle, je vous avouerais que j’ai été soulagée. Non pas parce qu’il était mort, mais surtout parce que ce cauchemar avait pris fin. Enfin, je ne vivais plus avec une épée de Damoclès sur ma tête.

Je pensais que le pire était arrivé, mais je me trompais lourdement. Il ne faisait que commencer. Qu’allais-je devenir ? Comment pourrais-je élever mes 2 filles à peine âgées d’une année et de deux ans et demi ? Comment vivre sans se demander ce que j’avais fait de faux ? Pourquoi n’ai-je pas pu l’aider ni le sauver ? Comment trouver la force de tout mener de front (les filles, le travail, la logistique quotidienne de l’appartement, la nourriture, les soucis, la paperasserie, le deuil, etc.)

Grâce à Dieu, j’ai tout de suite eu de l’aide de mes amies, amis, famille et belle-famille. Merci à eux de m’avoir soutenue, chacun à leur manière et de continuer à le faire. Sans eux, je n’en serais pas là aujourd’hui.

Et la première chose que j’ai compris, c’est que si je ne prenais pas soin de moi, je ne pourrais pas tenir la distance. Alors, je me suis fait aider psychologiquement afin de pouvoir ‘vomir’ tout ce que je subissais. Comprendre ce qui est arrivé à mon mari fut la première étape. Même si encore aujourd’hui,  j’ai du mal à accepter qu’une telle maladie puisse avoir tué un homme aussi gentil, agréable et facile à vivre, j’essaye de l’accepter et de lui pardonner cet abandon. Pour en être arrivé à ce stade, c’est qu’il devait vraiment être mal.

Il a fallu aussi apprendre à demander de l’aide aux autres. Ça a été le plus dur et ça le reste encore aujourd’hui. J’ai été tellement indépendante pendant 20 ans que je n’ose pas demander de l’aide. J’ai toujours peur de déranger, de devoir être redevable. J’ai peur d’abuser. Toutefois je dois très certainement avoir tort car j’ai toujours pu trouver, jusqu’à présent, l’aide dont j’avais besoin pour moi ou pour mes filles.

Petit-à-petit, pas après pas, on continue sur ce long chemin obscur. Par chance, je commence à trouver parfois de la lumière dans ce tunnel. Je pense que j’ai passé le pire car mes filles commencent à être bien indépendantes (à savoir qu’elles savent s’habiller, se laver et se nourrir de manière autonome).

Savez-vous ce qui m’a donné également l’espoir ? Ce qui m’a permis de me rendre compte que pour finir, ma situation n’était pas aussi catastrophique que ça ? C’est vous, Mesdames et Messieurs de l’AFMR. Lorsque je me suis inscrite dans cette association, c’était avant tout pour avoir ces CHF 90.00 de babysitting ainsi que les frais de garde de 3 jours de maladie par enfant. Je n’attendais rien d’autre.

Cependant,  il a fallu que je sois libre le jour où il y avait l’accueil des nouveaux membres : j’ai commencé à connaître les membres de cette association. De fil en aiguille, en vous écoutant parler de vos histoires de divorce, et toutes les galères auxquelles vous êtes confrontés quotidiennement avec votre ex ou vos problèmes financiers, j’ai retrouvé espoir. Toutefois, je ne veux pas que mes paroles soient mal interprétées, je ne prends pas du plaisir à vos malheurs, mais en faisant le bilan de ma vie et de ce que j’ai ou je n’ai pas, j’ai compris que ma situation n’est pas aussi catastrophique que je le croyais. Certes, je n’ai pas un weekend sur deux ou la moitié des vacances pour me ressourcer, mais je peux me reconstruire et je n’ai de compte à rendre à personne. Bien sûr que tout repose sur mes épaules concernant l’éducation et l’avenir de mes filles, mais en tant que femme, je pourrais peut-être rencontrer un nouveau compagnon, sans que mon ex me mette des bâtons dans les roues. Je suis même en train de travailler sur ce point et ma kinésiologue m’aide énormément à franchir ce nouveau cap.

Grâce à cette association, j’ai retrouvé le goût d’être maman, de passer du bon temps avec des gens formidables, d’autant plus que mes filles s’éclatent avec vos enfants.

Qu’ai-je appris de cet événement  tragique ? Il faut garder espoir. Le chemin peut être long dans le noir et on ne comprend pas toujours ce qui nous arrive. Pourquoi  toute cette injustice ? Pourquoi moi et pas les autres ? Qu’ai-je fait de si terrible pour devoir traverser cette épreuve ? Mais tôt ou tard, la roue tourne. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ma famille soit heureuse avec ou sans nouveau compagnon.

M., 45 ans